Arrêter de vivre avec le virus : la stratégie “zéro Covid”​

Christophe Daunique
5 min readFeb 15, 2021

--

Je souhaite présenter rapidement dans cet article la stratégie “zéro Covid” et les raisons qui m’ont amené à croire qu’elle est LA stratégie la plus adaptée aujourd’hui.

  1. Tout d’abord qu’est-ce que la stratégie “zéro Covid” ? C’est une stratégie active de lutte contre le virus qui vise à son élimination au sein de la population dans un territoire donné. Autrement dit, un ensemble d’actions est mis en oeuvre pour réduire le plus possible (idéalement à zéro ou quasiment) le nombre de cas et de transmissions au sein de la population.
  2. Comment ai-je eu connaissance de cette stratégie ? Depuis le début de la pandémie, j’ai suivi son évolution dans le monde à travers des articles et un pays a particulièrement retenu mon attention, le Vietnam, parce que j’ai des affinités culturelles avec ce pays (pour des raisons évidentes j’espère) et surtout parce que j’ai découvert à quel point le pays avait eu du succès dans sa lutte. Les chiffes sont éloquents, avec une population de 98 millions d’habitants, le pays compte à l’heure où j’écris, 2228 cas et 35 morts (il subit en ce moment une poussée du virus à cause du variant britannique mais elle semble pour l’instant plutôt maîtrisée). Alors que ce pays est un pays émergent dont les moyens sont plutôt modestes, et qu’il est plus voisin de la Chine, berceau initial de l’épidémie, ses résultats sont extrêmement impressionnants et il le doit à une stratégie pertinente mise en place très efficacement, de type “zéro Covid”.
  3. Comment suis-je arrivé à la conclusion qu’elle était LA stratégie la plus adaptée aujourd’hui ? Depuis le début de la pandémie, plusieurs stratégies ont été mises en œuvre et il est donc parfaitement possible de comparer celles qui ont été couronnées de succès et celles qui ont plutôt échoué. Jusqu’au second confinement de novembre 2020, je pensais d’ailleurs que la stratégie de suppression qui avait été choisie par la France et les autres pays européens était la plus adaptée car nous avions réussi à avoir un été presque normal. Toutefois cet optimisme a été froidement douché par la deuxième vague et après avoir constaté que plusieurs scientifiques et experts préconisaient cette stratégie, comme Yaneer Bar-Yam, Cécile Philippe, présidente de l’Institut Molinari, ou encore les scientifiques Michael Baker et Martin McKee, je me suis également rangé à cette stratégie. De nombreux arguments relatifs à cette stratégie sont présentés dans leurs publications mais je voudrais présenter à la suite l’analyse stratégique que j’ai menée pour parvenir cette conclusion.
  4. Pourquoi cette stratégie est-elle LA plus adaptée aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, je vais procéder à une rapide analyse stratégique.

Tout d’abord, rappelons rapidement les faits, le Covid-19 est un virus virulent et contagieux, contre laquelle l’humanité n’a pas d’immunité, et qui est capable de saturer très rapidement n’importe quel système de santé. Il s’est diffusé sur l’ensemble de la planète à cause des flux de voyageurs et de l’absence de réaction internationale.

Ce virus a deux impacts majeurs, au plan sanitaire tout d’abord en raison des décès et des séquelles corporelles qu’il cause, au plan économique ensuite, puisqu’il vient gripper le fonctionnement de l’économie en perturbant les flux de personnes et de biens, et la mobilité au sens large.

Face à cela, il y a plusieurs options stratégiques possibles, que je simplifierai en trois options.

  • Option n°1 : laisser faire complètement et espérer atteindre une immunité collective → A ma connaissance, aucun pays n’a retenu cette option, et tous ont changé d’une manière ou d’une autre leur manière de vivre, en raison des impacts potentiellement majeurs de ce virus en matière de mortalité.
  • Option n°2 : tenter de vivre avec le virus avec des stratégies de mitigation ou de suppression qui visent à maîtriser autant que possible sa diffusion, avec deux variantes : variante 1, éviter la saturation du système hospitalier en aplatissant la courbe d’infections mais en supposant que la population finira par développer une immunité collective naturelle, ou variante 2, essayer autant que possible de limiter le nombre de contaminations en alternant entre périodes de déconfinement et reconfinement en attendant d’atteindre l’immunité collective via des vaccins. C’est l’option retenue par les pays occidentaux et sud-américains avec un degré large de nuances.
  • Option n°3 : éliminer le virus avec une stratégie d’élimination définie plus haut. C’est l’option retenue par certains pays asiatiques notamment du Sud-Est (Chine, Corée du Sud, Japon, Taïwan, Vietnam, Singapour…) ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Je pensais que l’option n°2 suffirait en Europe mais je pense aujourd’hui que je me suis trompé et qu’il faut donc retenir l’option n°3 d’élimination car l’option n°1 n’est pas souhaitable à cause de ses impacts sanitaires et économiques. Les raisons qui m’ont amené à ne plus croire en l’option n°2 sont les suivantes :

  • Nous ne vaccinons pas assez vite pour développer une immunité collective. Je l’ai décrit rapidement dans un post en réaction à un article de The Economist. La tâche est herculéenne et nous ne savons pas aujourd’hui produire et distribuer suffisamment de vaccins dans un laps de temps réduit.
  • L’apparition de variants complique la donne. Je reviendrai dessus mais le Covid-19 évolue comme tout virus en se réplicant et donc plus il se diffuse, plus il réplique et plus il mute. Certaines mutations ne changent rien et il est d’ailleurs peut-être possible que certaines mutations le rendent moins dangereux. Mais aujourd’hui il a évolué en devenant plus contagieux avec les variants britanniques, brésiliens ou sud-africains et les deux derniers semblent résister partiellement aux vaccins existants ce qui fait s’éloigner encore plus la perspective de l’immunité collective rapide via les vaccins.
  • La population des pays occidentaux sature et ne peut pas supporter indéfiniment un cycle déconfinement / reconfinement. En théorie, ce serait une manière de gagner du temps en attendant de vacciner mais en pratique, je constate que cela n’est pas possible. L’absence de perspective a un effet néfaste sur le moral de la population, elle crée des vrais problèmes sociaux, de chômage et de pauvreté, avec des émeutes par endroits (Eindhoven aux Pays-Bas par exemple), et elle dresse les différents segments de la population les uns contre les autres avec par exemple des appels à ne confiner que les personnes âgées et vulnérables pour laisser vivre les autres.

Par conséquent, je considère aujourd’hui que la stratégie d’élimination dite “zéro Covid” est la plus adaptée et qu’elle doit être mise en oeuvre en France et en Europe. Elle est donc non seulement souhaitable mais également possible puisque d’autres pays y sont parvenus. En revanche, cela sera un vrai challenge de voir comment cela peut être mis en oeuvre en France et en Europe. Je soutiens donc complètement cette tribune d’un collectif qui souhaite sa mise en oeuvre à l’échelle européenne.

--

--

Christophe Daunique

Management consultant, specialized in public policies. I used to write about Covid-19. Now I’ll write about other stuff, including live music entertainment.