Chroniques de la lutte contre l’épidémie au Vietnam : le consentement de la population

Christophe Daunique
3 min readMar 1, 2021
Truong Sy Phu, biologiste à Saïgon. Photo par VnExpress/Thu An

Un court article après une discussion monumentale sur Twitter avec une personne qui soutenait, avec une certaine mauvaise foi, que l’exemple vietnamien n’avait aucun intérêt pour la France puisque les deux pays n’étaient pas comparables. Comme je l’ai écrit par ailleurs, l’idée de ce type de comparaison n’est pas de prendre le Vietnam comme un exemple à imiter en tout point mais plutôt de voir dans quelle mesure certaines actions entreprises par les autorités vietnamiennes pourraient utilement inspirer les autorités françaises voire européennes.

Une remarque que l’on me fait souvent quand j’évoque le succès de la stratégie Zéro Covid au Vietnam (35 morts, 2448 cas, 98 M d’habitants) est que la population y est beaucoup plus docile, et que le régime autoritaire peut plus facilement imposer sa volonté. Si j’étais taquin, je ferais remarquer que le peuple vietnamien est tellement docile que quatre envahisseurs étrangers ont fini par repartir à un moment (Chinois, Mongols, Français, Américain). Dans le même ordre d’idée, j’ai même lu quelque part sur Twitter que les Asiatiques étaient, je cite de mémoire, “des fourmis”, qualificatif très sympathique au demeurant…

Que l’internet vietnamien soit censuré, c’est un fait, il suffit de lire Wikipedia pour cela. En revanche, croire que la population vietnamienne n’a aucune idée de ce qui se passe ailleurs est un leurre total, le Vietnam n’a pas mis en place une barrière équivalente à la Chine et n’importe quel habitant peut utiliser des réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou encore Twitter, tant qu’il s’abstient d’émettre des commentaires politiques négatifs sur le pays.

Conséquence de tout cela, la population vietnamienne n’est pas aussi docile qu’on voudrait le croire et cet article permet de l’illustrer. Je passe sur la partie concernant le travail des médecins et je m’intéresse davantage au témoignage du biologiste Truong Sy Phu en photo. Le représentant des autorités qu’il incarne déclare lui-même dans cet article que “beaucoup de personnes ne veulent pas se mettre volontairement en quarantaine après avoir été en contact avec des malades du Covid-19”. Le biologiste cite deux exemples concrets :

  • un homme qui refuse de prendre les appels du biologiste et qui refuse ensuite d’aller en quarantaine dans une installation dédiée ;
  • une famille de trois personnes venant du district Thanh Mien dans la province de Hai Duong, qui est l’épicentre de la poussée épidémique actuelle. Ses membres refusent de faire des déclarations de santé et d’être mis en quarantaine avant d’être rappelés à l’ordre par la police.

Etonnant pour une population soi-disant docile non ? Ou peut-être est-ce juste représentatif du fait que toute population, quelle qu’elle soit, doit être à la fois convaincue de l’intérêt des mesures de protection mais également rappelée fermement à l’ordre dans certains cas, même dans un pays asiatique.

Ma conviction est que ce challenge se pose en réalité dans tous les pays du monde car le consentement d’une population ne peut jamais être considéré comme acquis, même dans un pays autoritaire. En revanche, le point d’équilibre entre conviction et fermeté dépend lui de critères subtils liés certes à la culture du pays mais pas uniquement. La confiance dans les autorités importe également, ou le rapport à la science, mais ceci sera l’objet d’une autre histoire.

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Christophe Daunique

Management consultant, specialized in public policies. I used to write about Covid-19. Now I’ll write about other stuff, including live music entertainment.