La campagne vaccinale en France : le besoin d’un volontarisme plus fort de la part des autorités

Christophe Daunique
6 min readMay 2, 2021
Centre de vaccination Covid-19, Salle Olympe de Gouges, XIe / Josephine Brueder / Ville de Paris

Dans mon premier article sur la communication autour de la campagne vaccinale, j’avais formulé plusieurs propositions pour améliorer cette communication. L’une d’entre elles portait sur la sollicitation des citoyens du Collectif sur les vaccins pour qu’ils se prononcent sur les messages. Or ces citoyens viennent de rendre un rapport 42 pages rendus à Alain Fischer. A ma connaissance, ce rapport n’a pas été rendu public mais deux articles de presse, l’un pour Le Parisien, et l’autre pour Ouest France ont réalisé une synthèse des recommandations que je propose d’analyser par la suite au regard de mon premier article. En préambule, il faut noter que ces recommandations vont au-delà de la communication et portent également sur des améliorations concrètes de la campagne vaccinale.

  1. Le Collectif citoyen demande une communication beaucoup plus claire de la part des autorités.

Je n’avais pas évoqué clairement ce point dans mon article mais cela rejoint partiellement le besoin d’une argumentation rationnelle que j’avais cité. Comme moi , le Collectif pointe le manque de clarté concernant l’information sur les modalités pratiques de la vaccination : quelle population, quel lieu, quelle temporalité, quelle prise de rendez-vous, quels acteurs en charge…Autre point évoqué par le Collectif, et que j’ignorais, les conseillers en chargé de répondre aux numéros de téléphone de vaccination, comme le 0 810 130 000, ne sont pas toujours compétents et ne fournissent donc pas les informations pertinentes.

2. Toujours en matière de communication, le Collectif citoyen propose de donner davantage la parole aux Français.

Dans mon article, je proposais une communication essentiellement portée par les autorités mais je sous-entendais qu’elle serait à la fois maîtrisée et contrôlée. Autrement dit, je posais comme hypothèse qu’il n’y aurait pas d’incohérence entre les messages et que seuls s’exprimeraient ceux qui en avaient la responsabilité.

Comme le Collectif, je ne peux que constater, de manière quelque peu désabusée, que la communication des autorités a été empreinte de plusieurs couacs avec notamment des élargissements continus de la population à vacciner qui semblaient décidés à l’improviste ou pas suffisamment préparés en amont, ce qui risque de créer de la déception chez les personnes volontaires. Avant toute chose, il me semble important que les autorités remettent de l’ordre dans leur communication.

Ceci étant dit, au-delà des autorités, les Français pourraient être plus facilement convaincus par des personnes leur ressemblant davantage. Par conséquent, je considère que leur proposition de faire appel à des Français ni expert ni politique est une excellente idée. Pour cela, le Collectif évoque plusieurs manières concrètes comme :

  • une émission dans laquelle le gouvernement tirerait au sort les questions des citoyens et y répondrait ;
  • un documentaire sur les patients vaccinés, racontant leur expérience, comment ils l’ont vécu, en dédramatisant ;
  • la remontée en continu des interrogations des habitants via des questionnaires en mairie.

Comme le Collectif, j’avais particulièrement insisté sur la nécessité pour la population d’être bien informé et de comprendre les informations scientifiques.

3. Le Collectif citoyen souhaite mobiliser toutes les catégories de la population grâce à une opération “Tous concernés”.

Pour cette recommandation, je suis complètement d’accord avec le Collectif :

  • La liste des des catégories prioritaires est devenue de plus en plus longue et de moins en moins lisible, au point que certaines personnes prioritaires ne savent même pas qu’elles le sont ;
  • Les personnes non prioritaires ne doivent pas sentir “laissés pour compte”. En ce sens l’annonce du Président de la République concernant l’ouverture de la vaccination à tous les adultes à partir du 15 juin est une excellente manière de les mobiliser ;
  • D’ici là, je pense également qu’il doit y avoir une grande campagne de communication et j’avais d’ailleurs proposé d’utiliser tous les canaux disponibles. Le Collectif propose plusieurs mesures comme un courrier envoyé par la Sécurité sociale, un campagne d’affichage dans les transports et les salles de classe avec ce message : « Et si c’était pour bientôt ? » , des brochures d’information dans les salles d’attente des médecins, un spot à la télé, sur le modèle E = M 6 avec des professionnels de santé, commençant par « Bonjour, nous allons vous expliquer le chemin de la vaccination. » et l’embauche d’agents formés dans les transports.

En revanche, j’ai un léger doute concernant une mesure. En effet, le Collectif propose même de recourir aux coiffeurs, restaurateurs, et libraires pour véhiculer les bons messages, en les faisant former une demi-journée par les chambres de commerce, d’agriculture et associations professionnelles. C’est une proposition originale à laquelle je n’avais pas pensée, mais elle me laisse dubitatif pour l’instant. D’un côté, ces professions sont au contact de la population et peuvent constituer un relais utile mais de l’autre, je ne sais pas comment la population percevrait une parole non scientifique sur la vaccination et je ne sais pas non plus à quel point ces professions ont envie de participer à la campagne. Peut-être est-ce leur faire jouer un rôle qui n’est pas le leur ?

4. Le Collectif citoyen propose un effort spécifique en direction des jeunes.

Là encore, je suis complètement d’accord avec le Collectif :

  • Un effort spécifique doit être fait envers les jeunes car c’est la population la moins à risque et donc avec le plus faible propension a priori de se faire vacciner pour être protégé individuellement. Or nous ne pourrons atteindre le pourcentage nécessaire d’immunité collective sans eux. D’ailleurs, je constate dans mon quotidien que la majorité des personnes autour de moi ayant moins de 30 ans ne souhaitent pas se faire vacciner ;
  • La communication envers eux doit porter sur le rapport bénéfice / risque individuel, au-delà de l’intérêt collectif. Concrètement, je pense qu’il faudrait leur dire que le premier intérêt de la vaccination est la protection individuelle car la vaccination protège des formes graves et donc a priori du risque de faire un Covid long. Ensuite, il faudrait parler des intérêts extra-sanitaires à savoir la possibilité de voyager à nouveau, le retour à une vie plus normale en prenant exemple sur d’autres pays européens, la reprise des fêtes…
  • La communication doit également être transparente sur les risques et les effets secondaires liés aux vaccins, en présentant clairement leur nature et leur occurrence ;
  • Cet effort spécifique doit se traduire par une campagne dédiée. Le Collectif propose d’ailleurs une campagne de publicité, organisée par des « ambassadeurs jeunes », qui constitueraient également des relais sur les campus universitaires pour parler de la vaccination, interpeller les étudiants, les informer, et répondre aux fausses informations ;
  • Cette communication doit être anticipée dès à présent pour les mobiliser avant le début des vacances.

5. Le Collectif citoyen ne souhaite pas que les erreurs de communication liées aux vaccins AstraZeneca soient reproduites.

Je partage une nouvelle fois les conclusions du Collectif :

  • Les pays de l’Union européenne ont fait preuve d’une trop grande cacophonie à la fois en matière de communication et de décision. Comme le Collectif, j’aurais d’abord souhaité une décision de suspension temporaire commune et collégiale et ensuite une harmonisation de la limite d’âge entre les pays.
  • Par ailleurs, je pense également que sur ce point, la communication sur les effets secondaires a été au final « disproportionnée » et aurait pu être davantage mesurée tout en restant rigoureuse.

6. Le Collectif citoyen propose d’aller davantage vers les citoyens.

Sur ce dernier point, je rejoins complètement le Collectif :

  • Il faut aller chercher les populations fragiles et précaires avec des actions dédiées de type maraude et une campagne télévisuelle spécifique, sans texte, pour les personnes parlant mal français ou illettrées ;
  • Il faut faciliter la vie aux personnes dans les territoires avec des contraintes matérielles. Par exemple, les autorités pourraient proposer la vaccination sur les marchés dans les déserts médicaux ou envoyer des médecins par hélicoptère pour les populations isolées en outre-mer comme en Guyane ou à la Réunion.

En conclusion, et au regard des quatre derniers mois, je pense que les autorités doivent, au-delà du travail de conviction, aller chercher la population. Il faut passer d’une posture attentiste où le citoyen doit faire l’effort pour se faire vacciner, en réservant lui-même son créneau sur une application, à une posture active où les autorités vont au contact des citoyens pour le convaincre de se faire vacciner, en utilisant les relais pertinents, et facilitent matériellement le plus possible l’acte de vaccination.

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Christophe Daunique

Management consultant, specialized in public policies. I used to write about Covid-19. Now I’ll write about other stuff, including live music entertainment.